Deuxième lettre à nos fils et à nos filles

Il y a presque un an, nous avons exprimé ce que nous ressentions envers vous – nos fils et nos filles – qui avez été tués en Syrie et en Irak, ou qu’on a appelés à participer à une guerre qui n’est pas la vôtre. Au lieu d’obtenir des réponses à nos questions, nous avons subi le mépris, les moqueries et des attaques de la part de ceux qui prétendent défendre les valeurs et les traditions de l’Islam, et de ceux qui détestent l’Islam. En nous attaquant, ils se sont unis. Les représentants du prétendu «État islamique» nous ont tournées en ridicule et ont nié notre chagrin de vous avoir perdus.

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De nombreux pays du monde entier célèbrent la fête des Mères mais, pour nous, ce jour est un moment de tristesse et de peine. Il nous rappelle que nos cœurs ont été brisés et que nos êtres les plus chers nous ont été enlevés. Nous n’avons nulle tombe où nous recueillir et faire notre deuil. Nos vies et nos familles ont été déchirées, à ce qu’il paraît pour la défense de l’honneur et la quête de justice et de liberté. Trompés par ceux qui sont sous la seule emprise de la convoitise, du péché et de la soif de pouvoir, les êtres les plus chers à nos cœurs croyaient se battre pour une grande cause et ont été tournés contre nous. Vous avez même eu l’impudence de tourner nos propres enfants contre nous au nom d’Allah et de forcer certains d’entre eux à tuer leurs propres mères parce qu’elles imploraient le retour de leurs enfants. Nous qui leur avons donné naissance et la vie, on nous a trompées, menacées et montrées du doigt au plus profond de notre douleur au lieu de nous laisser panser nos plaies et faire notre deuil en paix. Nous n’avions personne vers qui nous tourner, alors nos routes se sont croisées. Malgré toutes

vos tentatives pour nous réduire au silence, nous sommes toujours là, nous sommes devenues plus fortes et nous sommes de plus en plus nombreuses et de plus en fortes. Finalement, c’est vous qui vous cachiez derrière votre propre lâcheté dans le silence quand nous vous avons interpellés.

Nous ne vous demandons pas de nous honorer –nous, vos mères – le jour de la fête des Mères, puisque vous considérez ce jour comme une invention des kouffar et qu’il est interdit de célébrer d’autres fêtes que celles prescrites par l’islam. Nous vous demandons plutôt de respecter les devoirs et les valeurs qui vous sont dictés par le Prophète (que la paix et la bénédiction soient sur lui), ces valeurs qui – selon vous – vous rendent supérieurs aux kouffar. Et peu importe notre confession, comme le disait Asmaa, la fille d’Abu Bakr: «Ma mère m’a rendu visite au temps du Messager d’Allah (que la paix soit sur lui) et elle n’était pas croyante. Alors, je me suis tournée vers le Messager d’Allah (que la paix soit sur lui) et je lui ai demandé: «Ma mère veut me rendre visite et s’attend à être traitée avec bonté;devrais-je respecter les liens familiaux avec ma mère?” Il a dit: «Oui, respecte les liens familiaux avec ta mère”», (conformément à la tradition du Prophète).

Vous avez reçu l’ordre d’honorer vos parents et de respecter les liens familiaux, et on vous interdit de désobéir à vos parents. À nous, mères, il a été transmis que l’islam nous a donné quelque chose qu’aucune autre religion n’a: nos droits prévalent sur ceux du père, comme l’ont rapporté al-Boukhari (5514) et Mouslim (4621) en citant Abu Hurayrah (qu’Allah soit satisfait de lui), qui a dit: un homme s’est présenté au Messager d’Allah (que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui) et lui a demandé: «Ô Messager d’Allah, qui mérite le plus ma bonne compagnie?» et lui de répondre: «Ta mère.» L’homme a poursuivi: «Ensuite, qui?» Il a répondu: «Ta mère.» L’homme a poursuivi: «Ensuite, qui?» Il a répondu: «Ta mère.» L’homme a poursuivi: «Ensuite qui?» Il a répondu: «Ensuite, ton père.»

Vous avez peut-être raison de ne pas célébrer la fête des Mères, comme cela s’oppose au commandement d’honorer vos parents tous les jours. Mais quand vous accusez ceux qui le font d’être corrompus et des pécheurs parce qu’ils célèbrent leur mère une seule fois par an, vous devez admettre que vous êtes devenus pire qu’eux. Vous ne nous honorez pas en suivant les ordres d’un quelconque calife auquel vous avez décidé de vous rallier. Vous ne nous honorez pas en tuant des êtres humains et en sacrifiant votre vie pour laquelle nous avons tout donné. Et vous ne nous honorez certainement pas en traînant nos corps mutilés dans les rues, tout ça parce que vos commandants étaient apeurés par notre présence.

Encore une fois, nous nous tournons vers ceux qui envisagent d’aller en Syrie et en Irak, et ceux qui y sont déjà. Il n’y a aucune gloire à mourir et à donner la mort. Nous avons vu les photos de nos enfants et ils ne souriaient pas. C’est parce qu’ils avaient compris qu’ils ne mourraient pas pour une grande cause, mais uniquement pour une question d’opportunisme dérisoire et futile, associé à l’hypocrisie et à la partialité. Il n’y avait rien de glorieux dans leur mort. L’un de nos fils a été forcé de se faire exploser parce qu’il avait reçu des balles dans le visage et n’était plus d’aucune utilité pour ses «frères». Il est mort tout seul. Pendant que ses «frères» se poignardent dans le dos, il est mort à cause de leur corruption et non pas pour une glorieuse cause. Nos fils et nos filles qui sont encore en vie et sont en Syrie ou en Irak nous disent presque tous les jours que leurs vies sont devenues misérables. Nous voyons qu’ils croient à des idées fausses et les implorons de rentrer chez eux. Et quand nous parlons avec certains d’entre vous, nous arrivons à voir sous votre carapace, nous voyons bien que votre vie avec vos amis et votre famille vous manque. Nous savons que vous sentez que vos racines sont avec nous – votre famille. Ne devenez pas la proie de ceux qui se servent de vous pour leurs propres fins. Écoutez votre cœur et celles qui vous ont mis au monde.

À tous les parents du monde entier: ne vous renfermez pas, demandez de l’aide et du soutien et n’hésitez pas à dénoncer ceux qui essaient de nous enlever nos enfants et d’en faire de la chair à canon. Nous sommes là et nous sommes nombreuses. Vous n’êtes pas seuls.

Nous sommes les Mères pour la Vie et le Paradis est encore à nos pieds [Musnad Ahmad, Sunan An-Nasâ’i, Sunan Ibn Mâjah].